Communication & Influence N° 9 - Mars 2009
- A LA UNE
- Editorial - "Pouvoirs, contre-pouvoirs, micro-pouvoirs" par Bruno Racouchot
- Focus - Communiquer en direction des micro-pouvoirs
- ENJEUX D'AUJOURD'HUI ET DE DEMAIN
- Face à la crise de sens et de confiance : les nouvelles voies de la communication d'entreprise par Christophe Blanc
- Brèves
- VEILLE ET ANALYSES
- Tribune - De la société d'autorité à la démocratie d'influence par Ludovic François
- Extraits
- DU SENS, DES REPÈRES
- Biographie - Michel Foucault, savoir et pouvoir
- Extraits
- Jalons
Le pouvoir, dans son acception classique, était vu hier essentiellement comme une autorité centrale, diffusant sa volonté à travers les rouages d'un appareil. A l'heure du Web et de l'économie globalisée, le pouvoir est désormais polymorphe. Ses limites sont difficilement cernables. Il n'est d'ailleurs plus unique mais multiple. Pouvoirs et contre-pouvoirs doivent en permanence intégrer et traiter en temps réel de gigantesques flux d'informations. Aucune décision ne peut plus être prise sans qu'entrent en ligne de compte une multitude de paramètres. Avis, tendances, rapports, rumeurs, expertises, chiffres et sondages jaillissent de mille micro-pouvoirs, dont l'influence est colossale.
Savoir et pouvoir ont toujours évolué en symbiose. Michel Foucault, dont on célèbrera en juin le vingt-cinquième anniversaire de la mort, ne s'était pas trompé sur ce point. Bien avant la révolution Internet, il avait su, avec une remarquable prescience, déceler le bouleversement de l'articulation des rapports de pouvoir au sein de la société. D'autres penseurs de la mouvance d'extrême gauche, tel Nikos Poulantzas dans sa critique des appareils idéologiques d'État, ou Samir Amin et ses rapports de pouvoir centre-périphérie, s'étaient également frottés à l'exercice. Dans l'effervescence qui régnait à l'université de Vincennes à la fin des années soixante-dix, pour avoir suivi les cours de chercheurs comme Claude Alzon, Daniel Lindenberg, Alain Brossat ou Kostas Mavrakis, j'avais compris très tôt le rôle majeur des idées dans l'élaboration des stratégies d'influence.
Avec le temps, cette analyse se trouve plus que jamais confortée. Le monde fonctionne désormais en réseau, au sein d'un chaos permanent où l'instantanéité exacerbe les tensions. Comment s'étonner dès lors que nos contemporains soient en quête de repères ? La crise actuelle le prouve, qui est avant tout une crise du sens, générée par une incompréhension du réel dont nous nous sommes coupés par des analyses idéologiques surannées et des tabous moraux. L'heure a sonné pour les métiers de la communication de prendre cette crise du sens à bras-le-corps. Car communiquer avec intelligence, c'est d'abord élaborer une grille de décryptage juste pour comprendre le monde qui nous entoure. La "Grande Illusion" s'éteint. Le réel fait un retour en force. Tant mieux.
Directeur de Comes.
Qui fait l'opinion ? Bien au-delà du seul monde des médias - et si l'on applique ici la grille de décryptage sur les micro-pouvoirs proposée par Michel Foucault -, c'est l'ensemble des individus qui, dans le corps social, sont amenés à organiser l'information et à générer du sens. "Les 'intellectuels publics' ne constituent que la partie émergée de l'iceberg des professions intellectuelles. Ingénieurs, enseignants, architectes, 'traders', chercheurs, managers, avocats, médecins, etc. ont reçu une éducation très supérieure à la moyenne et assurent leurs revenus en produisant, reproduisant ou manipulant des idées et des symboles. Leurs effectifs augmentent depuis la fin du XIXe siècle, parallèlement à la généralisation de l'enseignement, au développement technologique et à la montée en puissance de l'encadrement. Contrairement à l'image donnée par certains éléments indociles, la plupart des intellectuels confortent l'ordre social. C'est parmi eux que se recrute la quasi-totalité des élites politiques, économiques, administratives." (Manière de voir, Le Monde diplomatique, avril/mai 2009). Ayant suivi les mêmes études, possédant les mêmes référents, filtrant les messages et les remettant en forme en fonction des valeurs qui sont les leurs, ces nouveaux clercs de la pensée jouent un rôle-clé que toute stratégie de communication d'influence doit impérativement, et prioritairement, prendre en compte.
La crise qui frappe actuellement l'économie mondiale oblige à de sévères remises en cause et fait sentir ses effets bien au-delà de la sphère financière. Crise des créances, elle est aussi une crise des croyances dont les métiers de la communication doivent impérativement tenir compte.
Depuis plusieurs années déjà, des observateurs avisés s'inquiétaient de la crise de confiance frappant la société française. En 2007, un essai allait jusqu'à qualifier la France de "société de défiance" (1). La crise a considérablement aggravé ce diagnostic et fait exploser ce qui était latent. Une multitude de sondages révèlent une grave perte de confiance à l'égard des élites et des institutions. Aucune d'elles n'est épargnée mais le phénomène prend une ampleur considérable s'agissant des entreprises et de leurs dirigeants, y compris parmi les "leaders d'opinion". Ainsi, selon l'édition 2009 de l'Edelman Trust Barometer, seuls 29 % des Français aisés et diplômés "font confiance aux entreprises pour agir de façon juste". Pis : ils ne sont que 13 % à porter un jugement positif sur leurs dirigeants. Impossible de se voiler la face : la crise a rendu totalement inopérantes, voire contreproductives, les méthodes de communication qui prévalaient jusqu'ici. Il convient donc d'en mettre rapidement en oeuvre de nouvelles.
En forçant le trait, on peut dire qu'avant, il suffisait d'affirmer et de séduire. Cela n'est plus de mise. Le dernier Baromètre Cadremploi réalisé en janvier 2009 par l'Ifop souligne que 72 % des cadres se déclarent "sceptiques sur la transparence des discours de leur entreprise". Désormais, plus rien ne va de soi, il s'agit donc d'expliquer et convaincre. Il ne faut certes pas négliger l'émotion, mais il faut surtout faire appel à la raison et à l'intelligence. Les messages doivent répondre à la quête de sens d'une société déboussolée par la crise. Cela implique un basculement de perspective. Auparavant, la communication d'entreprise jouait sur l'image et la superficialité. Elle doit maintenant se préoccuper du fond et analyser en profondeur un monde redevenu complexe. De même, elle ne peut faire l'économie de messages haut de gamme à destination des relais d'opinion. Ces publics spécifiques ne lui sont plus acquis, ils sont exigeants et ne se contentent plus de slogans et d'idées toutes faites.
En rompant avec la superficialité, la communication doit également rompre avec l'immédiateté et le court-termisme. La crise actuelle est aussi celle d'une société vouée au culte du présent. "La compression du temps et la course de vitesse dans laquelle les sociétés contemporaines sont engagées paraissent d'autant moins logiques que ces sociétés ne savent plus où elles vont. [...] Le rejet du passé, de la tradition, de la transmission des valeurs, génère une incapacité fondamentale à se projeter dans l'avenir", remarquait Pascal Josèphe, ancien directeur des programmes de plusieurs chaînes de télévision dans un essai très critique sur l'univers médiatique (2). A l'image de la société entière, la communication d'entreprise va devoir réintégrer dans son scope le passé et l'avenir, ne plus mépriser les identités et les permanences. Elle devra se souvenir, avec Roger Fauroux, qu'un groupe, "au-delà de ses compétences techniques et commerciales, est porteur d'une certaine vocation plus globale et plus profonde qui le rend apte à telle réalisation et non à d'autres (3)".
Cette nouvelle forme de communication exige une dernière révolution : celle du courage ! Jusqu'à la crise, la communication pensait pouvoir gommer les aspérités et "vendre" un monde lisse. Elle ignorait volontairement les problèmes, les difficultés et les périls. Il lui faut maintenant les intégrer à son discours, tout simplement parce qu'ils sont devenus incontournables. La crise est aussi un violent retour au réel et celui qui l'ignore se disqualifie. Les dirigeants sont donc appelés à rompre résolument avec la langue de bois. Suivant le conseil donné par trois universitaires, ils doivent réapprendre à "trancher à coup sûr dans les dilemmes où nous flottons et les conflits de valeurs qui nous déchirent (4)". Dans un monde devenu insaisissable, le pouvoir n'appartiendra pas à celui qui ordonne aux hommes. Il reviendra plus sûrement à celui qui ordonne les choses et les faits. En d'autres termes, à celui qui redonne du sens.
Consultant senior de Comes.
La valeur des valeurs
- "Derrière la production de l'entreprise, il y a désormais, comme en cercles concentriques, d'autres marchandises invisibles. Ce sont la marque, la réputation et la culture de l'entreprise, l'image de son secteur, de son pays d'origine, les styles de consommation. Ce sont aussi toutes les notions techniques, culturelles et notamment morales qui y sont liées."
François-Bernard Huyghe, "Les nouveaux jeux de l'influence" in Business sous influence, Editions d'Organisation, 2004.
S'émanciper du politiquement correct
- "Le leader détermine où l'entreprise doit aller à court, moyen et long termes en incitant l'ensemble des acteurs à la suivre dans cette direction. Son premier rôle est donc de faire partager à tous cette vision, de leur communiquer efficacement les raisons du positionnement de l'organisation, ses croyances clés, sa mission et ses buts, et la stratégie mise en oeuvre pour accomplir cette mission."
Béatrice Collin et Daniel Rouach, professeurs de stratégie à l'ESCP-EAP, in Le Modèle L'Oréal - Les stratégies clés d'une multinationale française", Éditions Pearson, 2009.
Le déclin de l'autorité qui affecte nos sociétés débouche sur une nouvelle conception du pouvoir. Puisqu'il n'est plus possible d'ordonner, il faut d'abord convaincre, séduire et formater les mentalités. Or cette mutation n'affecte pas seulement la sphère politique. Pour Ludovic François, professeur affilié à HEC et coauteur, avec François-Bernard Huyghe, d'un ouvrage sur le sujet, les entreprises sont concernées au premier chef. Prises pour cibles par de nouvelles formes de contestation, elles doivent développer, à leur tour, des stratégies d'influence.
Le pouvoir a changé de nature. Il supposait autrefois la verticalité, un chef qui ordonne et des subordonnés qui exécutent. Cette verticalité est aujourd'hui remise en cause. Communément admise pendant des siècles, l'idée selon laquelle les enfants doivent obéir aux parents, les élèves aux professeurs, les malades au médecin, les justiciables au juge ou les salariés à leur patron n'est plus de mise.
Dans l'ensemble des sphères de la société, le chef ne commande plus, il sollicite l'adhésion. Il lui faut séduire, convaincre et tenir compte de l'avis de la base. La décision devient un compromis. Cette mutation est particulièrement frappante en matière politique. La décision publique devient le fruit d'un processus de structuration de l'opinion et d'interventions de multiples acteurs. Ainsi, l'élaboration des lois passe par de plus en plus de procédures consensuelles, rapports de personnalités et consultations de groupes intéressés. La démocratie ne consiste plus à désigner des représentants légitimés par les urnes, qui décideront pendant un temps défini. Elle est devenue un exercice permanent d'influence et de contre-influence de groupes qui cherchent à emporter la décision. Le véritable pouvoir est partagé entre une multitude d'entités recourant aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. C'est un pouvoir interconnecté et disséminé mais un pouvoir quand même ! Ce dont témoigne le volume inédit de normes contraignantes, qu'elles émanent de la puissance publique (lois, règlements...) ou d'entités privées (chartes d'entreprise, usages...).
Cette évolution ne se limite pas à la sphère politique. Elle affecte toutes les organisations, à commencer par l'entreprise. Depuis longtemps, le management en a pris acte. Les chefs d'autrefois ont été remplacés par des managers qui mobilisent leurs collaborateurs et recherchent leur adhésion à des objectifs partagés. De même, il est patent que le fonctionnement en mode projet et les organisations matricielles traduisent un effacement des lignes hiérarchiques. Or, la transformation est plus profonde encore. Elle ne modifie pas seulement le fonctionnement de l'entreprise mais aussi sa place dans la société. En effet, le déclin du politique au profit de l'économique signe le triomphe de l'entreprise. Toutefois, cette assomption a un revers : en s'affranchissant peu ou prou de la puissance publique, l'entreprise s'est placée au coeur des enjeux de pouvoirs. Certes, cette analyse est remise en cause par la crise actuelle qui se traduit par un retour en force des États. Retour tout relatif cependant puisque les décideurs politiques peinent à empêcher les firmes en difficulté de verser des bonus indécents à leurs dirigeants défaillants... On peut donc parier que l'entreprise continuera de catalyser les espoirs et les rancunes. Et qu'elle sera toujours en première ligne face aux nouvelles formes de contestation. Au discours néolibéral qui considère l'État comme une structure obsolète, répond en effet une mobilisation altermondialiste. Puisque l'économique est déterminant, il faut s'adresser aux vrais "maîtres du monde" : les entreprises. Pour leur demander des comptes.
C'est là une nouvelle donne à laquelle fait écho la théorie des parties prenantes (ou stakeholders), bien connue du management stratégique. Selon celle-ci, l'entreprise n'a plus seulement des comptes à rendre à ses actionnaires et à ses clients. Elle doit, pour se développer, entretenir de bonnes relations avec tous les groupes ou individus pouvant être affectés par son action. Au sens large, le terme comprend les fournisseurs, les clients, les actionnaires et les employés, mais aussi les communautés, les autorités politiques et les médias. Cette analyse induit que l'entreprise est tributaire de ce que pensent ces stakeholders. Dès lors, en démocratie d'influence, savoir modeler les opinions devient crucial pour les forces économiques. L'entreprise de demain, et singulièrement en temps de crise, devra être influente.
Tout sauf l'autorité ! - "Les contre-démocraties, selon l'expression de Pierre Rosenvallon, fonctionnent à la vigilance, à la critique, à la surveillance, à la revendication, à la mise en cause, aux chartes, aux codes éthiques, à la notation, à la gouvernance, à tout ce que l'on veut sauf à l'autorité. Ne parlons pas de sanction, de commandement, de discipline, et autres notions évocatrices de fantasmes malsains."
Les moyens de l'influence - "Si l'on tente de décomposer la notion très englobante d'influence en une série d'actions susceptibles d'être pensées stratégiquement, organisées voire de susciter des techniques, nous pouvons établir une longue liste : le prestige, la force du discours, l'utilisation des émotions, l'inspiration, le formatage, l'agenda, le maillage, etc. Bref, l'influence peut prendre des formes multiples, mais elle a toujours un résultat unique : quelqu'un - appelons-le l'influencé - a fait ou pensé ce que désirait l'influent sans contrainte ni contrat, sans subir de violence ou sans en tirer de contrepartie, sans y être obligé ni par son infériorité ni par la nécessité. L'influencé éprouve l'influence comme venue de son tréfonds, comme si elle ne faisait que lui révéler ce qu'il désirait secrètement."
L'influence au coeur des jeux de pouvoir - "La notion d'influence nous aide à comprendre la complexité sans cesse croissante des relations entre les sphères politique, économique et culturelle. Elle permet probablement d'expliquer pourquoi, dans le contexte de la société de l'information dans laquelle les enjeux sont avant tout de conquérir les esprits, les délimitations entre les trois pouvoirs sont si floues : les entreprises vendent du sens et des valeurs, le politique se décline au travers de campagnes de marketing, la société civile se mêle de l'organisation des rapports collectifs et de l'économique. Le point commun dans cette apparente confusion entre ces sphères est un mode d'action par l'information dont l'objectif est de maîtriser les perceptions. Désormais, le jeu de pouvoir se déroule sur les trois échiquiers et chaque fois, l'influence intervient pour les faire interagir et recomposer la partie."
Il y a vingt-cinq ans exactement, Michel Foucault donnait son dernier cours au Collège de France. Ses thuriféraires ont trop souvent réduit Foucault à la seule dimension d'un théoricien des marges et de la délinquance, chantre de la libération sexuelle et dénonciateur du système carcéral. Derrière cet activisme militant, il y avait aussi et surtout le penseur. Celui qui devait disséquer minutieusement les rouages de l'autorité et de la puissance.
Sous cet angle, un quart de siècle plus tard, ses analyses sur les rapports entre pouvoir et savoir n'ont pas pris une ride. Sa capacité à mettre en relief le rayonnement des micro-pouvoirs fait indubitablement de lui un maître-penseur des stratégies d'influence. Ceux qui "savent" et agissent pour "faire" l'opinion détiennent du pouvoir. Ce dernier ne vient plus d'en haut, mais d'en bas ou plutôt de partout et nulle part. Il gît là où s'est engagée une réflexion visant à donner du sens et où le passage à l'acte impacte la vie de la cité. Le temps du pouvoir monolithique et pyramidal est révolu. Notre monde est agi et régi par une interaction permanente entre savoir et pouvoir, qui engendre une nouvelle relation entre dominateurs et dominés. Pouvoir et savoir s'impliquent directement l'un l'autre. C'est en effet dans la production de normes et de valeurs que réside le véritable pouvoir. On adhère à ces nouveaux paramètres proposés ou on les refuse. On exclut ou on s'exclut. Les lignes de force évoluent ainsi en permanence, sur un mode essentiellement subjectif. L'homme est ainsi déterminé en son lieu et en son temps par les paramètres qui lui apparaissent comme "vrais" et auxquels il se conforme sans toutefois en avoir conscience. Qui produit les repères en vogue, donne le sens et dit le "bien", détient le vrai pouvoir.
Michel Foucault avait saisi la formidable force des idées, innombrables moteurs qui font se mouvoir les sociétés humaines. "Le monde contemporain fourmille d'idées qui naissent, s'agitent, disparaissent ou réapparaissent, et qui secouent les gens et les choses. Cela ne se produit pas seulement dans les cercles intellectuels ou dans les universités de l'Europe de l'Ouest, mais aussi à l'échelle du monde, et notamment, chez des minorités à qui l'histoire jusqu'à présent n'avait guère donné l'habitude de parler ou de se faire entendre", écrivait-il dès 1977. Il ajoutait : "Il y a plus d'idées sur la terre que ne l'imaginent les intellectuels. Et ces idées sont plus actives, plus fortes, plus résistantes, plus passionnées que ne le pensent les 'politiques'. Il faut assister à la naissance des idées et à l'explosion de leur force : non pas dans les livres qui les énoncent, mais dans les événements où leur force se manifeste, dans les luttes qui se mènent autour des idées, pour ou contre elles. Ce ne sont pas les idées qui mènent le monde. Mais c'est parce que le monde a des idées (et parce qu'il en produit continuellement) qu'il n'est pas mené passivement par ceux qui le dirigent ou ceux qui voudraient lui enseigner ce qu'il faut penser une fois pour toutes."
Le pouvoir vient d'en bas - "Le pouvoir vient d'en bas, c'est-à-dire qu'il n'y a pas, au principe des relations de pouvoir, et, comme matrice générale, une opposition binaire et globale entre les dominateurs et les dominés, cette dualité se répercutant de haut en bas, et sur des groupes de plus en plus restreints jusque dans les profondeurs du corps social. Il faut plutôt supposer que les rapports de force multiples qui se forment et jouent dans les appareils de production, les familles, les groupes restreints, les institutions, servent de supports à de larges effets de clivage qui parcourent l'ensemble du corps social." Michel Foucault, in La Volonté de savoir, Gallimard, 1976.
1926 Naissance de Michel Foucault dans une famille bourgeoise de Poitiers.
1951 Reçu à l'agrégation de philosophie. Sur les traces de son maître Louis Althusser, il entre au PCF, qu'il va rapidement quitter. Il poursuit sa carrière universitaire à l'université d'Uppsala, en Suède où, en 1954, son ami Georges Dumézil lui a obtenu un poste, puis il s'installe à Varsovie en Pologne.
1960 Il rentre en France et enseigne à l'université de Clermont-Ferrand. Sa thèse d'État porte sur Folie et Déraison. Histoire de la folie à l'âge classique, puis il publie en 1966 Les Mots et les Choses. C'est la grande époque du structuralisme, mouvement dont il s'éloignera ensuite. Foucault prend la tête du département de philosophie de l'université expérimentale de Vincennes, née des événements de 1968.
1970 C'est la consécration. Élu au Collège de France, il n'en poursuit pas moins son engagement militant à l'extrême gauche aux côtés de son compagnon, le maoïste Daniel Defert. Son analyse minutieuse des rouages du pouvoir l'amène à fonder le Groupe d'Information sur les Prisons, puis à écrire en 1975 Surveiller et punir, célèbre étude sur les structures de micro-pouvoirs : "Il n'y a pas de relations de pouvoir sans constitution corrélative d'un champ de savoir, ni de savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir." Il milite activement en faveur de la liberté sexuelle et écrit son Histoire de la sexualité, dont le premier volume en 1976 connaîtra un immense succès sous le titre La Volonté de savoir. Il voyage beaucoup, en Iran, au Japon, au Brésil, mais surtout aux États-Unis, où ses cours à l'université de Berkeley consacrent sa notoriété.
1984 Il meurt en juin, d'une maladie liée au sida. Son compagnon Daniel Defert sera à l'origine de Aides, la première association de lutte contre le sida.