Communication & Influence N° 14 - Novembre 2009
- A LA UNE
- Editorial - Darwin et le pouvoir du Verbe
- Focus - Innovations d'entreprises : l'influence des théories de l'évolution
- ENJEUX D'AUJOURD'HUI ET DE DEMAIN
- Darwin, l'entreprise et le management : Compétition, coopération et influence !
- Hiérarchie et compétences
- VEILLE ET ANALYSES
- Tribune - Dans la jungle comme partout, le pouvoir passe par l'influence
- Le paradoxe de l'altruisme
- DU SENS, DES REPÈRES
- Biographie - Darwin, gentleman savant
- Extraits
- Jalons
Le 24 novembre 1859, il y a précisément 150 ans, Charles Darwin publiait son maître ouvrage sur l'origine des espèces, ouvrant, du même coup, une nouvelle ère de la pensée humaine. Le naturaliste anglais n'avait pourtant rien d'un idéologue. Ce scientifique méticuleux ne souhaitait nullement imposer une nouvelle vision du monde, ni surtout faire oeuvre de subversion. Homme prudent et prévenant, il se désolait même par avance de heurter bientôt les convictions de ses contemporains, à commencer par celle de son épouse très croyante...
Or, comme il le pressentait, le choc fut immense. Dès sa publication, le livre de Darwin déchaîna des passions qui sont toutes loin d'être éteintes aujourd'hui. Et encore, il ne s'agit là que de l'écume ! Car les théories évolutionnistes ont eu un impact profond et durable sur la société. En modifiant les représentations dominantes, elles ont bouleversé les rapports de forces sociaux et influé sur le cours de l'histoire humaine. Comme l'écrit l'anthropologue chrétien René Girard, "cela montre qu'il y a bien une histoire des idées et que celle-ci est plus importante que celle des individus" (Le Monde, 02/10/09).
En modifiant la perception que l'on a de la destinée humaine, les théories darwiniennes ont influé sur le cours de celle-ci. C'est là une leçon paradoxale que nous donne le darwinisme ! Le monde n'est pas seulement gouverné, comme le professaient le naturaliste et ses disciples, par "le hasard et la nécessité" mais aussi par les idées. Celles-ci étendent leur influence sur tous les domaines de la vie, de la culture à la science sans oublier la politique et l'économie. Pour Darwin, le Verbe n'est pas à l'origine du monde. Reste qu'il a bel et bien l'étrange pouvoir de le façonner.
Consultant senior de Comes Communication.
Notre pratique de l'innovation est-elle déterminée par la façon dont nous envisageons l'évolution ? Après avoir comparé les conceptions des deux plus illustres théoriciens de l'évolutionnisme - le Français Lamarck (1744-1829) et le Britannique Darwin (1809-1882) -, le paléoanthropologue Pascal Picq en est persuadé.
"La conception lamarckienne, explique-t-il, s'appuie sur l'idée d'un développement continu et progressiste des lignées." Appliqué au monde de l'entreprise, cela signifie que "l'évolution passe par une action entièrement dédiée au perfectionnement des filières déjà existantes". Ici, l'innovation est le résultat d'un plan qui se déroule du haut vers le bas. Toute différente est la conception darwinienne ! Celle-ci repose sur "la variabilité et la sélection qu'exerce l'environnement sur cette diversité". L'innovation ne résulte plus d'un dessein, mais d'une multitude d'initiatives spontanées départagées par un processus continu de destruction créatrice.
Cette distinction est aussi géographique. "De l'autre côté de l'Atlantique, observe Pascal Picq, l'environnement favorise les initiatives et agit comme la sélection naturelle. [...] De ce côté-ci, il retient d'abord ce qui a déjà fait ses preuves." Bien entendu, chaque conception présente des atouts et des handicaps en fonction de la conjoncture. Conclusion, également déduite des lois de la sélection naturelle : pour faire face à toutes les circonstances, il faut diversifier les talents !
"L'évolution, l'entreprise et le singe", par Pascal Picq, in Repenser l'entreprise, sous la direction de Jacques Chaize et Félix Torres, Le Cherche Midi, janvier 2008, 344 p., 20 €.
Compétition, coopération et... influence !
Les entreprises évoluent dans un environnement concurrentiel impitoyable. Elles ne pouvaient donc que trouver dans les théories darwiniennes une source inépuisable d'inspiration. Reste que les éléments choisis évoluent au gré des besoins. Aujourd'hui, à côté de la compétition, ce sont la coopération, l'adaptation au changement et l'influence qui nourrissent le discours managérial.
Bien sûr, la compétition reste un paradigme central dans l'économie mondialisée. Les entreprises luttent plus que jamais pour leur survie. Comme l'a bien perçu Alain Juillet, ancien Haut responsable à l'intelligence économique, "il est maintenant évident que le XXIe siècle va connaître un niveau de concurrence économique inconnu jusqu'à maintenant entre des unions d'États, des pays et des entreprises(1)". L'analogie entre loi du marché et sélection naturelle est donc toujours d'actualité. Reste, toutefois, à déterminer les qualités déterminantes pour emporter la compétition.
"Les espèces qui survivent, répondait Darwin, ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements". Face à un environnement bouleversé par des mutations de tous ordres, le management exalte la capacité d'adaptation. Celle des hommes, mais aussi celle des organisations. L'enjeu est alors de convaincre que le changement est la norme. Dans un ouvrage sur la rupture, le cabinet Ernst&Young convoque le paléoanthropologue Pascal Picq. "En définitive, écrit-il, que nous dit l'évolution ? Que la vie n'est que changement !(2)" Dans un registre proche, le cabinet Alter&Go, multispécialiste du changement, souligne qu'avec Darwin "c'en est fini de l'idée fixiste d'une nature immuable. Désormais, la vie se confond avec le mouvement" ! Mais il ajoute aussitôt que "les stratégies de survie des espèces ne reposent pas sur la seule compétition, mais aussi sur la coopération(3)".
C'est là une seconde tendance lourde du management contemporain. Professeur à la London Business School, Lynda Gratton a bien perçu ce basculement : "Il n'y a pas si longtemps, les élites économiques considéraient la compétition comme le moyen le plus approprié d'atteindre leurs objectifs. [...] Dans les conseils de direction, on ne parlait que de 'gagnants' et de 'perdants'. Les pratiques de management glorifiaient les vertus de la compétition notamment à travers l'octroi de primes individualisées." Époque révolue ! "Désormais, il est de plus en plus question de collaboration(4)", constate-t-elle dans le Financial Times. En d'autres termes, pour remporter la compétition, rien ne vaut la coopération ! Dans ce changement de cap, Darwin et les sciences naturelles sont également sollicités. Auteur d'un ouvrage sur la stratégie de la bienveillance, Juliette Tournand affirme que "la loi de la jungle, la vraie loi, c'est la coopération des milliers d'espèces différentes et, au sein de chaque espèce, la coopération des éléments qui la composent(5)".
Cette quête de coopération s'exerce même à l'extérieur des murs de l'entreprise. Tout simplement parce que l'entreprise n'a plus vraiment de murs... Elle ne ressemble plus à la fabrique d'antan. Son activité ne consiste plus tant à produire en interne des biens et des services qu'à permettre à des entités diverses d'interagir pour générer de la valeur. Tout l'enjeu consiste donc à faire vivre en bonne intelligence les employés et les actionnaires, mais également les fournisseurs, les prestataires, les institutions, les ONG, etc. Ici aussi l'analogie avec la nature s'impose ! Comme l'écrit Pierre-Henri Gouyon, directeur du Laboratoire d'écologie systématique et évolution au Muséum national d'histoire naturelle, "les sociétés, qu'il s'agisse d'insectes ou d'humains, sont de la coopération entre organismes. Et il y a des coopérations entre espèces, les figuiers ne peuvent pas se reproduire sans leurs pollinisateurs qui ne peuvent pas se reproduire sans les figuiers...(6)"
L'entreprise est alors envisagée comme le coeur d'un écosystème d'autant plus complexe qu'il ne peut être régi par les seuls rapports hiérarchiques ou économiques. On ne peut ni ordonner aux autorités publiques ni acheter une ONG... Pour façonner son environnement à son avantage et assurer sa vocation, l'entreprise doit donc se transformer, selon le mot de François-Bernard Huyghe, en "machine relationnelle(7)". Elle doit être capable d'agir sur les perceptions des parties prenantes pour les amener à considérer leurs intérêts communs. Autrement dit, sa survie passe aussi par sa capacité à avoir de l'influence.
Consultant senior de Comes Communication
"Les chimpanzés vivent dans des communautés composées de plusieurs femelles et de plusieurs mâles adultes. Certains individus se montrent plus compétents que d'autres pour résoudre des tâches diverses. Si on donne des noix de coco à des chimpanzés, les individus dominants en accaparent une ou deux. Seulement ils se trouvent bien embarrassés quand ils ne savent pas les ouvrir. Ils recherchent l'aide d'un individu qui, bien que dominé et dépourvu de noix de coco, sait comment l'ouvrir. Le dominant donne la noix de coco à l'autre qui l'ouvre et ils partagent. [...] Les chimpanzés ont des comportements sociaux très subtils qui admettent la hiérarchie sociale et la hiérarchie de compétences. Cette souplesse favorise la diffusion horizontale des innovations et avantage le groupe au sein de leurs communautés écologiques."
"L'évolution, l'entreprise et le singe", par Pascal Picq, in Repenser l'entreprise, sous la dir. de Jacques Chaize et Félix Torres, Le Cherche Midi, janvier 2008, 344 p., 20 €.
"Dans toutes les espèces sociales, chaque individu cherche à maximiser les bénéfices qu'il tire de la société. Pour ce faire, il peut tenter de manipuler le groupe à son avantage, même si c'est au détriment des autres individus. Mais cette manipulation ne peut être trop handicapante pour la société, sinon l'individu manipulateur, qui a besoin de l'aide du groupe, n'obtiendrait aucun bénéfice supplémentaire. Ainsi, coopération et conflits potentiels sont indissociables de la vie en société."
"Conflits sociaux", par T. Monnin, C. Peeters et C. Doums, chercheurs et enseignants à Paris VI, in Sciences et Avenir, hors série, octobre 2007.
En 1859, Charles Darwin démontre dans L'Origine des espèces que "l'homme est, avec d'autres espèces, le descendant de quelque forme ancienne, inférieure et éteinte". La frontière séparant l'homme de l'animal et plus globalement de la nature vient de tomber. Il provoque ainsi le scandale et suggère une nouvelle vision de l'homme et du monde. Celle-ci ne cesse toutefois d'évoluer au fil des découvertes scientifiques. Alors que l'accent est d'abord mis sur la compétition, on valorise désormais davantage les comportements altruistes. C'est ce que rappelle le biologiste Yves Christen, auteur de deux récents ouvrages sur les animaux sociaux. Il y démontre notamment que, chez ceux-ci aussi, la quête de pouvoir passe par l'élaboration de stratégies d'influence.
En publiant L'Origine des espèces en novembre 1859, Charles Darwin ne souhaite pas développer une "vision du monde". Son objectif est de présenter une théorie scientifique. Toutefois, le naturaliste anglais sait d'emblée que son ouvrage va produire un fort impact sur la société. De fait, son oeuvre heurte certains préjugés - notamment religieux - et en conforte d'autres.
Comme on le sait, certains se sont emparés des théories de Darwin pour exalter l'esprit de compétition, d'où le darwinisme social. Il est vrai que l'essence du darwinisme, c'est la sélection. Selon la vision darwinienne, les êtres vivants sont en compétition les uns avec les autres pour la survie. Cela conduit certains disciples de Darwin à considérer que les comportements moraux ne sont qu'un vernis social, qu'il suffit de gratter pour découvrir une nature humaine foncièrement égoïste, agressive, compétitive, etc. Toutefois, dès Darwin lui-même, d'autres exégètes considèrent que ce que nous appelons la morale, - c'est-à-dire les comportements d'empathie, d'altruisme, d'entraide - sont des comportements biologiquement normaux, dont le développement a été assuré par la sélection naturelle. Cela semble incontestable pour une raison de pure logique. En effet, si un comportement ne correspond pas à notre nature, comment se fait-il qu'il soit en place de façon constante et fréquente dans le monde vivant ?
Or, ces comportements sont très répandus. Comme l'a notamment démontré le primatologue Frans De Waal, les animaux ont des comportements d'entraide au sein de leur espèce ou même entre espèces différentes. Ainsi, dans des situations expérimentales, de jeunes singes aident des congénères plus âgés à glisser un jeton dans une fente pour obtenir de la nourriture. Autre exemple : lors d'une étude de terrain, un collaborateur de la primatologue Jane Goodall s'est vu offrir par un chimpanzé le fruit qu'il ne parvenait pas à cueillir lui-même, faute d'une agilité suffisante. Pas question toutefois de tomber dans l'angélisme ! La réalité des sociétés animales et humaines est double. Nous assistons à la fois à des comportements égoïstes dans lesquels les gens sont mis en compétition et à des manifestations d'entraide. L'une des caractéristiques de la vie sociale consiste à gérer cette complexité des comportements, faits de tendances vers l'empathie et vers l'antipathie, de confiance et de défiance, de coopération et de compétition.
Dans toutes les sociétés, l'une des façons de gérer ces courants divergents réside dans l'émergence d'un leadership. Or contrairement à ce que l'on croit trop souvent, même dans la société animale, il ne résulte jamais de la seule force physique ou du degré d'agressivité. Il réside aussi dans la capacité à organiser la société autour de soi. Le véritable dominant, dans la plupart des sociétés, n'est pas le plus fort, c'est celui qui parvient à se placer au centre du jeu social. Ce type de configuration, où l'autorité ne s'exerce pas de manière frontale, est la règle dans les sociétés de primates. Les études ont démontré que ce sont de fins politiques capables de stratégies très fines. Chez les chimpanzés, la "campagne électorale" peut durer longtemps, ils vont mettre le temps qu'il faut pour acquérir l'influence. Le système est plus subtil que ce que l'on pourrait imaginer. Il peut notamment passer par le recours aux "relais d'opinion" que sont les femelles. En effet, même dans les sociétés animales où elles n'interviennent pas directement dans la position hiérarchique, les femelles peuvent être courtisées pour leur influence.
La fameuse loi de la jungle n'est pas ce que l'on croit ! Dans toutes les sociétés, la lutte pour la vie et le pouvoir met en jeu des aptitudes très subtiles, où la force physique, matérielle ou financière n'est rien sans la coopération, l'entraide et l'influence.
La coopération au sein d'une même espèce est soumise à un objectif d'efficacité, même inconscient. Il y a deux raisons à l'altruisme. Premièrement, il joue au bénéfice des enfants et de la parentèle ; sur le plan biologique, il est facile d'en expliquer la raison. Une deuxième raison correspond à ce que l'on appelle l'altruisme réciproque : l'animal qui rend service s'attend à ce qu'on lui rende la pareille. Dans des groupes de singes, la réciprocité s'observe lors de l'épouillage entre la mère et le petit. Mais celui qui pratique ces mêmes gestes avec un individu non apparenté en reçoit également un bénéfice sous la forme d'une réciprocité immédiate ou retardée. Dans l'espèce humaine, des comportements apparemment désintéressés sont en fait motivés par une attente de réciprocité.
Les succès politiques des grands singes dépendent davantage de jeux d'alliances très subtils que de leur force physique. Certains chimpanzés préfèrent être en position de numéros 2 ou 3 : ils sont des "faiseurs de roi", sans vouloir assumer eux-mêmes la position du numéro 1 dans la société. Entretien avec l'auteur.
"L'homme et les autres vivants sont à la fois bons et méchants, agressifs et pacifiques, égoïstes et altruistes. [...] L'agression ne doit pas être considérée comme un comportement "antisocial", mais plutôt comme un outil de la compétition et de la négociation. C'est une composante du jeu social. Les espèces devant coopérer socialement ne peuvent se permettre de cumuler sans fin les conflits ; elles doivent se réconcilier. [...] Nous sommes - nous mammifères et oiseaux - des machines faites pour décoder, imiter et influencer autrui."
Dans son célèbre ouvrage sur L'Origine des espèces, Charles Darwin explique que la sélection naturelle résulte à la fois de la nécessité et du hasard. Sa vie a obéi aux mêmes lois. En effet, rien ne prédisposait ce fils de bonne famille à devenir l'auteur d'une théorie appelée à "ouvrir une ère nouvelle de la pensée humaine(1)".
Charles Robert Darwin voit le jour le 12 février 1809 dans une famille prospère, provinciale et conservatrice. Sur instruction de son père, il s'essaie à la médecine et au droit mais trouve sa véritable vocation dans le naturalisme. À la faculté, Darwin s'est en effet lié d'amitié avec le géologue Adam Sedgwick et surtout avec le botaniste John Stevens Henslow. Décelant les capacités de son élève, ce dernier le recommande pour participer à l'expédition scientifique du HMS Beagle. Cette occasion, inespérée pour un jeune homme de 22 ans, va décider de toute sa vie, de toute son oeuvre. Durant 57 mois, Darwin explore le monde, accumulant une multitude d'observations qui formeront la matière brute de son oeuvre.
Dès 1837, quelques mois après son retour, sa théorie de l'évolution est formulée. Dans son livre de notes, Darwin écrit : "J'étais bien préparé à apprécier la lutte pour l'existence qui se rencontre partout, et l'idée me frappa que, dans ces circonstances, des variations favorables tendraient à être préservées, et que d'autres, moins privilégiées, seraient détruites. Le résultat de tout ceci serait la formation de nouvelles espèces. J'étais enfin arrivé à formuler une théorie." Esprit scientifique et patient, il ne cessera ensuite de travailler à son oeuvre, la peaufinant avec d'autant plus de soin qu'il mesure d'emblée les polémiques qu'elle suscitera. "C'est presque avouer un meurtre", écrit-il en 1844 à son ami le botaniste Joseph Dalton Hooker !
Homme mesuré, Darwin n'a, en effet, rien du provocateur que verront en lui certains de ses futurs adversaires. De santé précaire, il nourrit une véritable aversion pour le scandale et fuit même le tumulte londonien. Retiré dans sa propriété de Downe, il mène une existence paisible de gentleman farmer, "partageant sa vie régulière entre quelques heures de travail quotidien, des promenades et des lectures, cultivant des plantes pour ses expériences (2)".
Darwin est aussi un infatigable perfectionniste. Certains de ses biographes se demandent même s'il se serait résolu à enfin publier ses thèses sans l'intervention fortuite d'Alfred Russel Wallace. En juin 1858, ce biologiste adresse à Darwin un texte dans lequel il aboutit à des conclusions similaires sur la sélection naturelle des espèces. Le naturaliste n'a alors plus le choix : sauf à passer pour un suiveur, il doit publier. Il le fait toutefois habilement, proposant à Wallace de présenter d'abord un texte signé conjointement. Pour emporter la bataille des idées, il faut savoir se faire des alliés et se trouver des relais. Bien au fait du rôle de la compétition, Darwin savait aussi user de la coopération !
(1), (2) "Charles Robert Darwin", par Charles Bocquet, ex-professeur à la faculté des sciences de Paris, ex-directeur du laboratoire de génétique évolutive et de biométrie du CNRS, in Encyclopédie Universalis. - Pour aller plus loin : Darwin et le darwinisme, par Patrick Tort, PUF, coll. "Que sais-je ?", novembre 2009, 128 p., 9 €.
Évolution et morale - "Je suis pleinement convaincu que les espèces ne sont pas immuables ; je suis convaincu que les espèces qui appartiennent à ce que nous appelons le même genre descendent directement de quelque autre espèce ordinairement éteinte, de même que les variétés reconnues d'une espèce quelle qu'elle soit descendent directement de cette espèce ; je suis convaincu, enfin, que la sélection naturelle a joué le rôle principal dans la modification des espèces, bien que d'autres agents y aient aussi participé." Charles Darwin, in L'Origine des espèces.
12 février 1809 - Naissance de Charles Darwin dans une famille de notables de province.
1828-1831 - Après avoir abandonné des études de médecine, il entre au Christ College. Son père souhaite qu'il devienne pasteur. Lui voit croître sa vocation de naturaliste.
1831-1836 - Darwin embarque sur le Beagle qui, durant cinq ans, va cartographier les côtes d'Amérique du Sud. Ses observations contribuent à forger ses convictions. "Pendant le voyage, j'avais été profondément frappé [...] par le caractère sud-américain de la plupart des espèces des îles Galapagos, plus spécialement par la façon dont elles diffèrent légèrement entre elles sur chaque île du groupe [...]. Il est évident que ces faits ne peuvent s'expliquer que par la supposition que les espèces se modifient graduellement."
1838-1841 - Il devient secrétaire de la Geological Society et se lie d'amitié avec le géologue Charles Lyell dont les ouvrages l'ont grandement inspiré lors de son périple sur le Beagle.
1842 - Retiré dans sa propriété de Downe, dans le comté de Kent, il rédige un premier résumé de sa propre théorie de l'évolution des espèces, bientôt suivi d'un grand nombre de versions sans cesse enrichies.
24 novembre 1859 - Parution de Sur l'Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, ou la Préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie. Signe avant-coureur des passions que suscitera l'ouvrage, cette première édition, tirée à 1250 exemplaires, est épuisée le jour même.
19 avril 1882 - Mort de Charles Darwin qui reçoit des funérailles nationales avant d'être inhumé dans l'abbaye de Westminster.