Communication & Influence N° 9 - Avril 2009
- A LA UNE
- Editorial - "Crise et communication d'entreprise : changement de paradigme " par Bruno Racouchot
- Focus - L'identité d'entreprise, nouvel impératif stratégique
- ENJEUX D'AUJOURD'HUI ET DE DEMAIN
- Entreprises face à la crise : communication différenciante, communication influente par Sophie Vieillard & Roger Vandomme
- Retours sur investissement
- VEILLE ET ANALYSES
- Tribune - Une identité vraie et forte : atout majeur de la communication des PME par Mériadec Raffray
- Extraits
- DU SENS, DES REPÈRES
- Biographie - Godin, inventeur de l'économie sociale
- Extraits
- Jalons
"Publicité : le marché va connaître en 2009 sa pire récession depuis trente ans." Dans son édition du 15/04/09, le quotidien économique Les Échos expliquait : "Après Carat, ZenithOptimedia a drastiquement revu en baisse ses prévisions pour 2009. La filiale de Publicis anticipe pour cette année un repli de 6,9% des dépenses publicitaires au niveau mondial". Un recul de 8,7% sur le marché nord-américain et de 7,3% en France. De fait, "la crise remet en cause le modèle économique des principaux médias. Les turbulences pourraient conduire à des modifications du paysage". Là aussi, les lignes bougent ? C'est plutôt une bonne nouvelle ! Car, au-delà d'une conjoncture difficile, la sphère communicationnelle ne souffre-t-elle pas de maux structurels et profonds ? N'est-ce pas ce malaise que la crise a le mérite de mettre au grand jour ?
Discours à sens unique et ton convenu, contenus éditoriaux quasi identiques et d'une banalité affligeante, mots d'ordre creux et interchangeables font que les messages passent et lassent. Pas étonnant puisque les communicants viennent tous de cénacles communs, adhèrent à des valeurs similaires, prônent une vision irénique des choses et sont pareillement déconnectés du réel. "La crise majeure que nous traversons et qui touche à la fois les fondamentaux de l'économie de marché et les valeurs de notre société ne peut que nous amener à nous interroger individuellement et collectivement sur le sens de la société dans laquelle nous vivons, sur le sens du capitalisme", notait récemment Maurice Lévy (Valeurs actuelles, 09/04/09). Il serait temps ! Lorsqu'il ajoute que "la publicité, jusqu'ici légère et séductrice, doit trouver un langage en adéquation avec ce que vivent les gens dans la crise", on ne peut qu'opiner. Mais justement, la publicité est-elle à même, de par sa nature propre, de répondre à cette attente ?
Si la communication grand public via la publicité reste nécessaire, elle n'est cependant pas la seule arme de l'entreprise. Il y a fort à parier que les outils qui consacreront la communication efficiente de demain relèveront davantage de l'influence. C'est l'avis de Mériadec Raffray, fin connaisseur du monde des PME en page 3. C'est à cette attente que répond l'analyse de nos spécialistes en page 2. Car la demande de sens, la soif de repères, la quête d'identité vont désormais constituer des paramètres impératifs, que les entreprises vont devoir prendre prioritairement en compte.
Directeur de Comes.
Pour les patrons, la crise actuelle est aussi une crise des valeurs. "J'ai toujours considéré qu'une entreprise avait d'autres vocations que d'être un tiroir-caisse. Il faut arriver à travailler sur d'autres valeurs. Nous sommes dans un changement de modèle. Certaines entreprises vont sortir plus fortes [...], celles qui auront un petit supplément d'âme?(1)", explique Maxime Holder, patron des boulangeries Paul. Ce constat concerne bien sûr le management. "L'entreprise doit gagner de l'argent, évidemment, mais c'est également un projet avec des gens?(2)", rappelle Philippe Leroux, directeur de la chocolaterie Klaus. Cependant, il ne s'agit pas seulement de traiter humainement ses salariés. Pierre Lecoq, responsable de l'association Entrepreneurs et dirigeants chrétiens résume : "Nous sommes dans une diligence lancée à toute vitesse. Les voyageurs demandent au cocher?: 'Où va-t-on ?' Et le cocher répond : 'Demandez aux chevaux !' Notre société cherche des réponses, des valeurs nouvelles, car elle sent qu'elle fonce dans une impasse.?(3)" Une façon de rappeler que la réflexion sur l'identité relève bien de la stratégie. Pour savoir où l'on va, il faut d'abord savoir qui l'on est !
La crise actuelle constitue pour les entreprises une excellente opportunité de repenser tant les objectifs que les modes opératoires de leur communication. Aujourd'hui et plus encore à la sortie de la crise, c'est sur l'image, les valeurs et l'identité que va se jouer la différence. Désorienté, le marché est en quête de sens et de repères. A l'entreprise de répondre à cette attente, en se dotant d'une communication originale, structurée et pertinente. Assez des discours convenus ressassés à l'infini ! Place à l'originalité, à la personnalité et à l'intelligence !
À l'évidence, la crise va exacerber la concurrence et les rivalités. Pour les managers, le choix est simple : agir ou subir. Les entreprises vont devoir consentir un effort de différenciation pour se distinguer de leurs concurrentes. La question cruciale est de savoir comment l'entreprise est perçue. En ces temps d'incertitude, rien n'est à la fois plus fort et plus fragile que l'image. Elle est formatée par ceux qu'il est convenu d'appeler les relais d'opinion : ce sont eux qui déterminent la perception que le marché a de l'entreprise et de ses produits. Influencer la manière dont s'élabore cette perception est essentiel. L'entreprise se doit de proposer à ceux qui "font l'opinion" un profil favorable à travers des thématiques, des messages et des vecteurs. L'objectif est de les convaincre de relayer ce positionnement.
L'influence se situe dans le cadre des communications indirectes et transverses. La penser et la mettre en oeuvre exige une gymnastique mentale subtile. En effet, aux antipodes de la communication classique, on ne parle ici ouvertement ni de l'entreprise ni du coeur de métier. Il ne s'agit plus de s'adresser directement au marché pour le convaincre de l'excellence des produits proposés, mais d'attirer l'attention des relais d'opinion par un discours récurrent, établissant en permanence un lien entre les valeurs que souhaite refléter l'entreprise, les traits d'identité qu'elle met en avant, et les questions d'actualité.
L'entreprise ne se trouve ainsi pas limitée à son seul savoir-faire. Elle développe un discours cohérent, porteur de sens, appuyé par des repères. Elle apparaît comme une structure proactive et responsable. Elle devient de facto pour ses parties prenantes (stakeholders) - en premier lieu les relais d'opinion - un interlocuteur privilégié. L'objectif visé par l'entreprise est de s'imposer peu à peu comme LA source de référence dans la sphère d'activité qui est la sienne.
La méthode mise en oeuvre répond à trois objectifs principaux clairement ciblés :
- Fidéliser l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise. Garder le contact avec elles, et montrer qu'on les accompagne, en prouvant que l'entreprise est en veille permanente sur l'actualité.
- Afficher clairement que l'entreprise inscrit son action dans une perspective stratégique et que sa direction analyse avec lucidité ce qui se passe dans les champs connexes à son activité.
- Faire passer aux relais d'opinion des messages ciblés, qui seront repris et amplifiés. L'entreprise est alors davantage perçue comme un interlocuteur proactif et responsable.
Qui est visé par l'engagement d'une stratégie de communication d'influence ? Non le marché directement, mais avant tout l'environnement et les parties prenantes de l'entreprise à savoir :
- Les relais d'opinion et d'influence, (journalistes, observateurs de la sphère d'activité de l'entreprise, analystes économiques et financiers, etc.),
- Les décideurs publics et privés qui gravitent dans son environnement,
- Les salariés, partenaires et sous-traitants, adhérant à une image positive de l'entreprise, qui donne du sens à son action et valorise ceux qui travaillent pour elle.
Ce sont eux qui, in fine, vont modeler la perception que le marché aura de l'entreprise et de ses produits. Pour gagner la guerre économique, il ne suffit pas d'être techniquement le meilleur. Encore faut-il que les argumentaires déployés pour asseoir l'action soient étayés par un discours de qualité, soigné, bien documenté, solidement charpenté, cohérent et porteur de sens. Pour que ces exigences soient remplies, il faut à la tête des entreprises des dirigeants solides, ayant le courage d'assumer leur différence et assez de caractère pour revendiquer une identité propre. Une subtile alchimie, délicate à mettre en oeuvre, mais à coup sûr à même de résoudre les apories générées par la crise actuelle.
& Roger Vandomme, Vice-Pdt Equifax Canada
(Predictive Sciences, Customers Segmentation and Business Intelligence)
Sur le seul plan de la communication, la démarche préconisée par Comes permet de:
- Se montrer proactif (à la différence de ses concurrents, l'entreprise observe les réalités du monde bien au-delà de sa seule expertise technique),
- Inspirer la confiance (face à la crise, l'entreprise veille pour optimiser sa démarche stratégique),
- Susciter l'intérêt (l'entreprise préempte des champs nouveaux de communication qui intéressent les relais d'opinion),
- Renforcer son identité, afficher les valeurs "maison", (donc se différencier des concurrents, ce qui installe l'entreprise comme leader d'opinion dans son secteur),
- Conforter sa notoriété (l'entreprise développe une stratégie qui s'inscrit sur le long terme et se veut réaliste, en prenant en compte les nouveaux enjeux du business et du management).
Au-delà du plan communicationnel, d'autres retours sur investissement sont possibles en fonction de la ligne stratégique adoptée :
- Sur le plan commercial (entretenir le lien permanent avec les clients, donner aux forces de vente une occasion de contact et un sujet de dialogue),
- Sur le plan des ressources humaines (attirer les jeunes talents et conforter l'adhésion à la culture d'entreprise),
- Sur le plan financier.
Ce dernier point est crucial. La démarche proposée vise aussi à impacter ceux qui font l'évaluation de l'entreprise. Pour ce faire, ils se fondent en grande partie sur les analyses produites par les relais d'opinion. Engager cette méthode revient à optimiser le concept de "Goodwill", autrement dit la valorisation intangible de l'entreprise, si sensible lors d'un transfert de propriété. Visant une perception positive du futur de l'entreprise, les retours sur investissement concernent donc l'optimisation de l'estimation de sa valeur immatérielle. C'est l'augmentation de son capital immatériel qui est ici l'objectif, en termes de potentiel de développement, d'ouverture d'esprit, de faculté d'adaptation, de rayonnement, d'intelligence, de culture, de qualité de recrutement, d'image...
Formidable révélateur des forces et faiblesses du monde économique, la crise a mis en valeur la capacité de résistance et d'adaptation des PME. Face à un idéal de management basé sur les seuls critères financiers à court terme, on assiste au retour en grâce de l'entreprise patrimoniale, gérée avec mesure et bon sens. Pour Mériadec Raffray, rédacteur en chef de La Volonté des PME, revue mensuelle de la CGPME - Confédération générale des petites et moyennes entreprises -, les patrons doivent saisir cette occasion pour penser autrement leurs stratégies de communication. Et mettre en valeur leurs vrais atouts : une identité forte, une perception intelligente des réalités, une vision sur le long terme.
La crise met en lumière les erreurs engendrées par les errances de certains grands groupes, à commencer dans le secteur financier, évoluant dans des mondes virtuels. A l'inverse, ceux qui hier passaient volontiers pour des "has been" administrent la preuve de leur capacité à faire front. Patronat virtuel, d'un côté, patronat réel, de l'autre. Face au patron de gestion, affecté par le syndrome du mercenariat économique, le dirigeant patrimonial cherche en permanence à accorder son discours et ses actes. Si les PME françaises résistent, c'est certes parce qu'elles sont moins internationalisées que les grands groupes, ou qu'elles possèdent le plus souvent une double assise, locale, d'une part, régionale ou internationale, d'autre part. Mais surtout parce qu'elles n'ont pas perdu leur âme. Elles ont su raison garder et gérer leur développement avec mesure. Leur mode de gestion et de management a fait ses preuves.
De par sa nature même, une PME détient de nombreux atouts. Pour exister, elle doit conduire une stratégie différenciée, donc audacieuse pour mettre son savoir-faire en relief. Ensuite, elle se montre d'une grande réactivité dans la décision, puis dans la phase d'exécution et de mise en oeuvre des projets. Le patron de PME aime prendre des risques mais c'est un homme de bon sens, ancré dans les réalités. Il sait conjuguer harmonieusement la prise de risque stratégique et une mise en musique prudente. A cela s'ajoute un autre atout : à la tête d'une structure à taille humaine, il maîtrise ses coûts de fonctionnement, qui rejaillissent sur les prix. Ainsi, quand on s'adresse à une PME, on n'achète pas seulement un produit, on s'offre une garantie reposant sur l'éthique du management. Pour une PME, vendre ne se fait pas au détriment des salariés, de l'environnement ou de la réputation, car vendre est un acte qui s'inscrit dans le moyen ou le long terme. Contrairement aux idées reçues, en particulier du côté des acheteurs publics, choisir la PME patrimoniale plutôt que la filiale d'une multinationale revient à sécuriser son achat.
La crise permet de redécouvrir la capacité de résistance du mode de management de l'entreprise patrimoniale. Les PME ont donc dorénavant tout intérêt à communiquer sur ces valeurs, et à montrer ainsi qu'elles sont plus fiables pour leurs clients que bien des filiales de grands groupes. Et de surcroît que les clients ne paieront pas plus cher cette fiabilité. Au contraire.
Dans cette perspective, une prise de conscience est nécessaire. Les dirigeants de PME seraient bien inspirés de communiquer moins sur leurs produits que sur leurs propres valeurs et leurs méthodes de management. C'est là un véritable atout compétitif pour remporter des marchés face à la concurrence des multinationales et de leurs filiales. Pour faire valoir cette différence, les directions de PME doivent engager une communication sur-mesure et donc, d'emblée, se défier des recettes de communication formatées par ceux-là mêmes qui conseillent les grands groupes. Au contraire, il leur faut s'entourer d'experts indépendants, convaincus du mérite du management patrimonial et à même de faire ressortir l'identité propre à chaque entreprise. C'est cette identité, mise en valeur avec intelligence dans une communication sur-mesure, basée sur l'existant, dans une perspective à long terme, qui sera le gage du redéploiement optimisé des PME dans les enjeux à venir.
Un modèle de management qui a fait long feu - "La crise que l'on vit actuellement consacre la faillite d'un certain modèle économique - d'inspiration essentiellement américaine?- fondé sur une vision à très court terme. L'objectif était l'enrichissement immédiat, aggravé par le mot d'ordre diffus du "pas vu, pas pris", illustré par l'affaire Enron. Ce modèle avait en outre l'arrogance de se parer des habits de la vertu. Avec son cortège de chartes éthiques, de plans de développement durable et autres codes de déontologie, il s'est peu à peu exporté au-delà des USA pour s'imposer comme modèle de management universel, notamment en Europe, via des élites globalisées, formatées par le credo managérial d'outre-Atlantique, auquel il était devenu impératif d'adhérer ! Certains grands managers français n'ont pas su ou voulu résister à ces sirènes. Le désir de mimétisme, la pression des actionnaires, l'obligation de jouer leur jeu, les ont conduit à être prisonniers puis victimes du système. Cette dilution du management dans une culture aux antipodes de la nôtre a été fatale."
Quel type de management pour quel type d'avenir ? - "Dans cette crise, la question de l'identité est centrale. Elle a montré comment certains grands patrons français sont allés jusqu'à abjurer leur propre identité, et ont, de facto, perdu leur âme. A la tête de grands groupes, ces managers n'ont pas été capables de dire : "Non, on ne peut pas faire les mêmes taux de profit que les autres, cela est déraisonnable, voire dangereux à terme." Pendant des années, on a feint de croire que les arbres pouvaient monter jusqu'au ciel ! La catastrophe, inéluctable, est arrivée. Et elle impacte l'ensemble du monde économique français. Les conséquences se sont fait sentir à différents niveaux. Tout d'abord, dans les premiers mois, on a assisté à la défaillance de multiples petites entreprises fragilisées structurellement bien avant la crise, ou encore d'entreprises impactées directement par la crise, comme les sous-traitants de l'automobile. Mais au bout de trois ou quatre mois, on s'est aperçu que les PME résistaient. Plutôt bien d'ailleurs. Et c'est là que l'on doit - ou du moins que l'on devrait - clairement se poser la question de la nature du management !"
À côté de Fourier, Marx et Taylor, Godin s'impose comme une figure majeure et cependant méconnue de la pensée économique et sociale du XIXe siècle. Godin n'est pas un théoricien mais un entrepreneur. Toutefois, ce fils d'artisan nourri de théories saint-simoniennes comprend que l'entreprise ne peut se désintéresser des idées. Elle doit apporter ses propres réponses aux débats qui agitent la société. Sans quoi elle sera balayée par la fièvre révolutionnaire. "Ce qui importe avant tout, c'est de donner à la classe ouvrière la garantie du lendemain, c'est de l'assurer contre la misère", écrit-il dans Études sociales (1884). Si l'État n'est pas mûr pour organiser cette "sécurité sociale", c'est au chef d'entreprise de le faire. Pragmatique, Godin va y employer sa fortune, son sens de l'organisation et son énergie. Comment faire accéder l'ouvrier au bien-être ? En lui fournissant un habitat qui assure sa dignité ; en mettant en place un système de mutualité face aux aléas de l'emploi ; en instituant la participation du travail aux bénéfices de la production.
Cette notion de participation est une idée neuve : il faut "qu'elle soit basée sur un contrat appelant les ouvriers et employés au partage des bénéfices, non en raison des fonds qu'ils déposeraient dans l'association, mais en raison de leur travail. " (La République du travail et la réforme parlementaire, 1889). L'association et la juste rémunération du travail, du capital et du talent doivent permettre d'éviter les crises sociales : la société progressera "par voie évolutionnaire et non par voie révolutionnaire, les procédés de révolution devant rester complètement impuissants, si ceux qui les emploient n'ont pas des plans d'avenir assez précis pour permettre la rénovation sociale" (ibid.). Un système complexe de "représentation du travail" sera partiellement réalisé. Un projet de syndicat patronal, lui, restera lettre morte.
Dans l'entreprise Godin, innovations techniques et organisation du travail vont de pair. Dans sa gestion des hommes, pas de place pour le laxisme ! Horaires, salaires, promotions, tout est normé. Les ateliers sont régis par un règlement intérieur strict, en partie édicté par les employés instruits. Tout est fait pour que le salaire soit dépensé selon les préceptes d'une saine morale. De plus, Godin formalise la notion originale d' "équivalents de la richesse"?: logement salubre, école pour tous, loisirs... Il concrétise ce programme avec le Familistère, dont l'"architecture sociétaire" doit permettre de bâtir une identité commune, centrée sur la vie associative - et de fixer une main-d'oeuvre compétente. Certes, vu comme un prototype, il n'atteignit jamais la notoriété souhaitée et ne fut pas reproduit. Néanmoins, en notre début de XXIe siècle où le concept de responsabilité sociale de l'entreprise fait florès, le modèle Godin mérite d'être étudié de près. Au moins parce qu'il fut un patron cohérent et responsable, sachant mettre en accord ses actes et ses idées.
Maintenir de bons salaires pour soutenir la consommation - "Nous n'avons pas cédé à ce courant de réduction des salaires qui est certainement le fait le plus reprochable et le plus affligeant qui existe aujourd'hui dans l'industrie. Car, avec la réduction des salaires, les ouvriers ne peuvent plus acheter que le pain nécessaire à leurs familles tant qu'ils ont du travail. Mais les salaires faisant défaut aux masses laborieuses, celles-ci n'achètent plus les produits de l'industrie. Alors la production reste en magasin et le chômage en est la conséquence. Privées de travail, des familles entières tombent dans la misère. Cette situation devient affreuse et ses effets sont à redouter pour tout le monde." Lettre de J.-B. A. Godin aux chefs d'industrie.
1817 Naissance de Jean-Baptiste André Godin, à Esquéhéries (Aisne).
1835 - 1858 Tour de France de compagnon serrurier. Découverte des théories de Saint-Simon et de Fourier. Dès 1840, il dépose un brevet qui va asseoir sa fortune. Le succès de ses poêles en fonte est immédiat. Construction de la première usine, à Guise. Mariage puis naissance d'un fils. Godin s'enthousiasme pour la révolution de 1848.
1858 - 1880 Conception et construction du Familistère. Bien plus qu'un ensemble architectural adossé à l'usine, ce Palais social voit converger des initiatives mutualistes, coopératives et associatives qui ambitionnent de mettre fin à la misère des ouvriers. Élu député, Godin est vite déçu par l'activité parlementaire et réoriente son action sur le Familistère. En 1871, parution de Questions sociales. En 1878, il fonde un hebdomadaire socialiste, féministe et anticlérical, Le Devoir.
1880 - 1886 Godin est leader sur son marché avec un chiffre d'affaires de près de 4 millions de francs. Le Familistère acquiert sa forme juridique?: la Société du Familistère de Guise - Association coopérative du capital et du travail. Son épouse étant décédée en 1881, Godin se remarie en 1886 avec sa fidèle collaboratrice qui dirige les services éducatifs du Familistère.
1888 Décès de Jean-Baptiste Godin. Parution posthume de La République du travail et la réforme parlementaire (1889). L'aventure se poursuit.
1968 - 2009 Dissolution de l'Association coopérative du capital et du travail. L'usine est achetée par Le Creuset. Le Palais social, restauré, est toujours habité.